Le mercredi 12 septembre 2018, Jacques Archimbaud, Président de la commission particulière du débat public (CPDP) a présenté le rapport du débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui s’est déroulé du 19 mars au 30 juin 2018. L’occasion pour Chantal Jouanno, Présidente de la CNDP, de souligner les enseignements clés de ce débat, le premier sur un programme national, qui a pris la forme de 86 rencontres publiques auxquelles ont assisté 8 000 personnes, d’un débat en ligne (47 572 visiteurs uniques, 666 questions et 571 avis), de 11 150 questionnaires renseignés, de 193 cahiers d’acteurs et d‘un G400 lors duquel 400 citoyens tirés au sort étaient invités à débattre sur les grands enjeux de la PPE.
La diversité des modes de débat a permis l’expression d’un large spectre d’opinions : très forte mobilisation des partisans du nucléaire par internet, grande implication des professionnels de l’énergie, des élus de terrain et des associations dans les réunions publiques, implication réelle de citoyens non spécialistes lors du G400 et dans certaines rencontres locales. Globalement, il ressort du débat public les éléments suivants :
Sur la gouvernance d’ensemble de la politique énergétique
Le sentiment est partagé que la France a pris du retard et qu’elle doit accélérer ses efforts sur ces points :
- Les participants estiment que les politiques publiques sont peu lisibles et manquent de cohérence, entre ministères et entre les différents niveaux de décision.
- Ils considèrent qu’une meilleure coordination des politiques européennes est incontournable.
- Ils regrettent l’absence d’indicateurs, sinon consensuels du moins partagés, concernant l’évolution des scénarios de consommation, le niveau d’export import d’énergie, le coût des énergies et l’emploi.
- Le public manifeste son attachement à l’indépendance énergétique et à une énergie à coûts maîtrisés.
- Il considère que les efforts aujourd’hui sont inéquitablement répartis et qu’ils pèsent davantage sur les catégories populaires et les locataires, qui ont en outre moins accès que d’autres aux aides publiques en faveur de la transition énergétique.
- L’introduction de la concurrence ne semble pas, à ses yeux, avoir produit les bénéfices attendus en matière de prix, de qualité de service et d’accélération de la transition énergétique. Le débat insiste sur la nécessité d’une meilleure information et protection du consommateur.
Pour être efficace, une politique énergétique devrait associer mieux les citoyens et les territoires. Largement attachés à donner un plus grand rôle aux collectivités, intéressés par le développement de l’autoconsommation, les participants soulignent que le rôle de l’État doit être de garantir la solidarité entre usagers et entre territoires.
Sur le fond des politiques elles-mêmes
- Le consensus est général sur la priorité absolue que constitue la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre.
- Une majorité de participants estime, au-delà des ajustements nécessaires, que la PPE à venir devrait respecter l’équilibre global prévu par la loi de transition énergétique de 2015.
- La réduction des consommations d’énergie devrait être prioritaire notamment en matière de bâtiment et de mobilité. Un effort devrait être fait sur des produits moins énergivores correspondant à des usages plus quotidiens.
- L’offre énergétique à venir en matière de chauffage et de transports devrait s’adapter à la ressource des territoires et à la diversité des usages : la biomasse et le biogaz devraient notamment y trouver leur place.
- Le public a manifesté son intérêt pour le développement de l’innovation en matière de stockage et d’hydrogène.
- Le report de certains usages des fossiles vers d’autres énergies, nécessaire, positive et inévitable ne doit cependant pas aboutir à une explosion des consommations électriques.
- L’objectif d’augmentation de la part des énergies électriques renouvelables est soutenu. La réduction de la part du nucléaire à 50% doit être maintenue mais pour tenir cet objectif le grand public est attaché à des dates bien plus rapprochées que les professionnels du secteur. Une annonce concernant un prolongement et a fortiori un renouvellement de tout ou partie du parc sans annonce préalable d’ici la fin du quinquennat de fermeture de réacteurs autres que ceux de Fessenheim, serait perçue comme déséquilibrant le compromis de la loi de 2015.
- Le développement des énergies renouvelables, globalement approuvé, est soumis de la part du public à de fortes exigences critiques : quant à leurs impacts environnementaux, locaux ou globaux, quant à la répercussion de la baisse de leur coût sur le soutien public, quant aux conditions et à la transparence des décisions d’implantation locale.
Observations et recommandations
La commission appelle le maître d’ouvrage à tenir compte des observations du public concernant la gouvernance et le contenu des politiques, et donc à expliciter le contenu des arbitrages qu’il sera amené à rendre et notamment à :
- Mettre l’accent sur les politiques d’économie d’énergie.
- Maintenir dans la PPE plusieurs scénarios prospectifs de consommation et de production respectant les objectifs de la loi, portant sur l’ensemble du système énergétique et pas seulement sur l’électricité, tenant compte des incertitudes liées à l’environnement des politiques énergétiques.
- Coordonner plus clairement la PPE avec les politiques de ses partenaires européens.
- Tenir compte des souhaits formulés dans le débat public quant à une place plus importante pour l’hydroélectricité, le biogaz, le solaire thermique, la géothermie et un renforcement du fonds chaleur.
- Préciser explicitement le calendrier permettant l’atteinte des objectifs de réduction à 50 % de la part de nucléaire dans la production électrique, intégrant la fermeture éventuelle d’autres réacteurs que celui de Fessenheim.
- Préciser les principes de sa politique en matière de carénage et d’ouverture éventuelle de nouveaux réacteurs de type EPR.
- Poursuivre et accélérer les travaux et concertations concernant les politiques de recherche et les politiques en matière d’emploi.
- Répondre à la demande d’un audit sur les coûts du grand carénage.
- Mettre en œuvre un processus partenarial permettant au public et aux acteurs de l’énergie de disposer d’informations plus consensuelles concernant les donnes économiques et financières de base de la décision.
- Mettre mieux en cohérence la PPE avec les documents de programmation en cours d’élaboration sur les territoires et notamment dans les régions.
La commission formule par ailleurs plusieurs recommandations auprès du maître d’ouvrage
– Qu’il associe volontairement la CNDP à la consultation électronique qui suivra la parution de la version 1 de la PPE.
– Qu’il réponde aux souhaits des parlementaires d’être consultés avant publication de la PPE elle-même.
– Qu’il produise, à l’occasion de la parution de la PPE, un document d’information synthétique et didactique intégrant ses objectifs et les principales dispositions contenus dans les autres documents de planification ayant fait l’objet de concertations : stratégie nationale bas carbone, plan climat, bâtiment, mobilités, alimentation, économie circulaire, etc.
– Qu’il planifie mieux et mette en cohérence les calendriers des concertations à venir concernant les politiques énergétiques ou celles qui lui sont liées : biomasse, forêts, déchets, etc.
Les suites
Trois mois après la publication du bilan du débat public, l’État doit décider du principe et des conditions de poursuite de la PPE. Il devra préciser les principales modifications apportées et indiquer les mesures qu’il juge nécessaire de mettre en place pour répondre aux enseignements qu’il tire du débat public. Cette décision sera publiée au Journal officiel.
Documents et liens utiles
> Le communiqué de presse
> Le compte-rendu du débat
> Le bilan de la Présidente de la CNDP